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  • Photo du rédacteurMaître JEAN-MEIRE

Loi Littoral et indemnisation à Plestin-les-Grèves

Dommages et intérêts et terrain inconstructible en raison de la loi Littoral
Commune de Plestin-les-Grèves

La commune de Plestin-les-Grèves est malheureusement connue pour sa mauvaise application de la loi Littoral, laquelle a déjà donné lieu à une condamnation à la démolition d’une construction édifiée dans la bande de cent mètres en violation avec l’article L. 121-16 du Code de l’urbanisme (V. pour cette affaire l’article de presse « Plestin La justice confirme la démolition de la maison en bois de Saint-Efflam »).


Cette fois, les erreurs de la commune dans l’application de la loi Littoral lui valent sa condamnation à verser des dommages et intérêts. Cette commune vient ainsi rejoindre la longue liste des communes littorales bretonnes condamnées à verser des dommages et intérêts en raison de la mauvaise application de la loi Littoral (V. par exemple nos autres contributions « Loi littoral : condamnation de Goulven » ou encore « Loi Littoral : condamnation de Locmaria-Plouzané »).


Les faits à l’origine de cette jurisprudence étaient assez classiques.


Des particuliers avaient acquis, par acte notarié du 6 septembre 2002, un terrain cadastré section A n° 811 situé au lieu-dit « Trevros », sur le territoire de la commune de Plestin-les-Grèves.


Avant la signature de l'acte de vente, un certificat d'urbanisme informatif avait été délivré par le maire de la commune le 26 juin 2002.


Cependant, par arrêté du 17 janvier 2017, la demande de certificat d’urbanisme opérationnel des intéressés était revenue négative.


D’après le maire de cette commune, la construction d’une maison individuelle était impossible sur cette parcelle en application de la loi Littoral et notamment de l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme.


Fort logiquement, les particuliers concernés ont demandé l’indemnisation de leurs préjudices devant la juridiction administrative.


Ils n’ont toutefois pas été très bien accueillis par le Tribunal administratif de Rennes qui, dans un jugement du 23 juin 2021 n’a fait droit à leur demande qu’à hauteur de 1.000 euros en réparation de leur préjudice moral.


Les requérants ont alors interjeté appel.


Ils ont fort bien été conseillés à ce titre puisque dans la décision ici commentée, les juges administratifs d’appel nantais ont quasi-intégralement fait droit à leur demande de condamnation.


En effet, selon la CAA de Nantes : « 5. Il résulte de l'instruction que la parcelle en litige cadastrée section A n° 811 se situe au lieu-dit " Trevros ", lequel se situe à plus d'un kilomètre au nord du centre-bourg et compte moins d'une dizaine de constructions bâties le long de la rue de Trevros et de la venelle de Trevros. La parcelle en litige ne se situe dès lors pas en continuité avec une agglomération ou un village existants, au sens de l'article L. 146-4 précité, au sein de la commune littorale de Plestin-les-Grèves. En outre, en 2002 et en 2017, la parcelle était classée au plan local d'urbanisme de la commune approuvé le 21 juin 2001 en zone UC. Il est constant que le certificat d'urbanisme dit " de simple information " délivré le 26 juin 2002 ne fait référence ni à l'application de la loi Littoral sur le territoire de la commune ni à la circonstance que la mise en œuvre des dispositions correspondantes du code de l'urbanisme emportent une limitation de constructibilité sur la parcelle en litige. Par suite, et sans qu'aient d'incidence les difficultés d'application de cette loi ni les évolutions de la jurisprudence en la matière, l'absence d'information des requérants relativement à l'application de la loi Littoral et aux conséquences de sa mise en œuvre sur la parcelle en litige, dont le certificat rappelle dans le même temps le classement en zone UC constructible, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Plestin-les-Grèves ».


En premier lieu, il est intéressant de noter qu’ici, le fondement de l’action en responsabilité est constitué par un certificat d’urbanisme uniquement informatif et non par un certificat d’urbanisme opérationnel.


Ce faisant, la CAA de Nantes se place dans le sillage de la jurisprudence du Conseil d’Etat qui avait déjà eu l’occasion de juger que même purement informatif un certificat d’urbanisme engage la responsabilité d’une commune (CE 18 février 2019 Commune de l’Houmeau n° 414233, mentionné dans les tables).


La Cour prend alors bien soin de noter que l’insuffisance de ce certificat découlait, d’une part, de l’absence de mention de la loi Littoral, mais également d’autre part, de la circonstance que la mise en œuvre de ces dispositions emportent une limitation de constructibilité sur la parcelle en litige.


Il en résulte qu’implicitement, la seule mention de la loi Littoral est insuffisante et que le certificat d’urbanisme doit également expressément mentionner que cette loi est susceptible de remettre en cause la constructibilité de la parcelle.


Cette omission, couplée avec le rappel des règles illégales du PLU (classement en zone constructible UC en l’occurrence), est constitutive d’une faute de nature à engager la responsabilité de la commune.


En deuxième lieu, il est également très intéressant de relever l’ancienneté des faits en l’espèce.


En effet, la parcelle avait été acquise en 2002 et ce n’est qu’en 2018, soit près de 16 ans après son acquisition, que la demande d’indemnisation avait été formulée.


La Cour estime à ce titre que ce point est sans influence sur l’action en responsabilité et indique notamment que la circonstance que les requérants ne feraient pas état à ce jour d'un projet de vente, ni celle qu'ils n'aient pas fait état d'un projet de construction dans l'acte d'achat, ne les empêche pas d’agir en responsabilité.


En troisième lieu, et il s’agit d’un argument très classiquement invoqué par les communes, la Cour reconnait expressément que celles-ci ne sont pas en mesure d’invoquer « les difficultés d'application de cette (la loi Littoral) ni les évolutions de la jurisprudence en la matière ».


En quatrième lieu, s’agissant des préjudices invocables, la Cour estime que le coût excessif d’acquisition du terrain doit être indemnisé.


Aussi appelé préjudice de perte de valeur vénale (V. par exemple « Loi littoral et action en responsabilité, Trégastel est condamnée à 109.000 euros »), il vise à indemniser la victime du préjudice financier résultant de la différence entre le prix auquel elle a acheté le terrain en cause, en tant que terrain constructible, et le prix auquel elle aurait réellement dû le payer en raison de son inconstructibilité.


Ils s’agit, conformément à la jurisprudence du Conseil d’Etat (CE, 3 mai 2004 S… et Mme B… n° 257075, aux T sur ce point) de « replacer la victime, autant que faire se peut, dans la situation qui aurait été la sienne si le dommage ne s'était pas produit, c'est-à-dire, lorsque la faute résulte d'une décision illégale, si celle-ci n'était jamais intervenue ».

A ce titre, le terrain acheté 15.245 euros s’avérait en réalité valoir 2.466 euros.


Pour faire cette évaluation en tant que terrain inconstructible, les juges se sont alors appuyés sur la barème indicatif de la valeur vénale moyenne des terres agricoles de 2017.


Là aussi, la jurisprudence est ici classique et de nombreux autres jurisprudences ont acceptés de prendre en compte ce barème (V. par exemple pour un prix de 0,50 euro par mètre carré Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 14 juin 2019, 18NT01911).


Au final, la condamnation est portée de 1.000 euros à plus de 17.000 euros.

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