Non au sens de l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme, d’après la CAA de Bordeaux
CAA Bordeaux 23 février 2021 Commune de Soulac-sur-Mer n° 19BX03643 Le principe d’extension de l’urbanisation en continuité avec une agglomération ou un village, codifié à l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme, continue, malgré son ancienneté, de soulever des problèmes d’application. Si la jurisprudence s’est beaucoup consacrée à la définition des agglomérations et villages, « c'est-à-dire les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions » (CE 9 novembre 2015 Commune de Porto-Vecchio n° 372531, Publié au recueil sur ce point), peu de décisions ont été rendues sur la notion « d’extension de l’urbanisation » au sens de cette disposition. A tort car cette notion, qui revêt une grande importance puisqu’elle conditionne l’application de cette disposition, pose des difficultés juridiques souvent très intéressantes (V. pour un exemple récent, la demande d’avis formulée par le TA de Rennes au Conseil d’État concernant l’application de l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme à une antenne-relais). 1. A titre liminaire, il est nécessaire de bien préciser que cette notion est autonome, c’est-à-dire qu’il n’est pas possible de faire des liens entre cette dernière et les autres notions similaires de la loi Littoral. Concernant la bande de cent mètres (L. 121-16 du Code de l’urbanisme), elle proscrit toute construction ou s’installation et a donc vocation à s’appliquer de manière plus large. Concernant les espaces proches du rivages (L. 121-13 du Code de l’urbanisme), la notion d’extension limitée de l’urbanisation, et sa célèbre jurisprudence société soleil d’Or (CE 07 février 2005 Société soleil d’or n° 264315, mentionné aux tables du recueil Lebon) qui juge, notamment, que « la seule réalisation dans un quartier urbain d'un ou plusieurs bâtiments qui est une simple opération de construction ne peut être regardée comme constituant une extension de l'urbanisation au sens de la loi » n’est pas transposable au principe d’extension en continuité de l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme. Même si la rédaction du considérant de principe de cette décision peut excuser une telle erreur d’interprétation, il ressort d’une jurisprudence administrative constante que l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme s’applique à toute opération de construction. 2. A ce titre, les piscines, qui constituent bien des constructions au sens du droit de l’urbanisme (V. sur ce point le Lexique national d’urbanisme ou encore les dispositions générales des règles écrits des documents d’urbanisme), sont soumises au respect de l’obligation d’extension en continuité avec une zone déjà urbanisée. Ainsi en vertu de ces principes, la loi Littoral empêche la construction d’une piscine dans les communes littorales dès lors qu’elles sont situées dans une zone d’urbanisation diffuse. Mais alors, comment comprendre la jurisprudence de la CAA de Bordeaux. 3. En effet, les juges administratifs d’appel bordelais ont jugé que : « la réalisation d'une piscine d'environ 16 m² sur la parcelle cadastrée section BB n° 53 qui jouxte la parcelle cadastrée section BB n° 4 sur laquelle sont implantées deux maisons d'habitation. Au vu des annotations apposées sur l'extrait du plan cadastral du terrain d'assiette, la piscine est située à proximité immédiate d'une des maisons. Ainsi, eu égard à sa localisation et au caractère modeste des dimensions de la piscine envisagée, le projet en litige ne constitue pas une extension de l'urbanisation au sens des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme précité ». La CAA de Bordeaux a alors estimé qu’une piscine n’était pas constitutive d’une extension de l’urbanisme en prenant en compte deux critères. D’une part, la taille relativement modeste de la piscine concernée, à savoir en l’espèce 16 m2. D’autre part, sa proximité immédiate avec une maison d’habitation déjà existante. Dans ces conditions, juge la CAA de Bordeaux, la piscine, bien qu’étant une construction, n’est pas une extension de l’urbanisation au sens de l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme. A l’évidence, cette jurisprudence, entend se placer dans le sillage de la décision Commune de l’île-de-Batz dans laquelle le Conseil d’État a jugé que : « le simple agrandissement d'une construction existante ne peut être regardé comme une extension de l'urbanisation au sens de ces dispositions » (CE 3 avril 2020 Commune de l’Île de Batz n° 419139, mentionné dans les tables du recueil Lebon). 4. On aurait pu s’interroger sur l’application de cette jurisprudence à une piscine dès lors qu’elle indique s’appliquer aux agrandissements, notion peu utilisée en droit de l’urbanisme, qui lui préfère celle d’extension. Il semblerait que la jurisprudence administrative s’oriente vers une conception de la notion d’agrandissement plus large que celle d’extension dans son sens premier, à savoir augmentation de la surface de plancher d’une construction existante. Dans cette veine, le TA de Poitiers avait déjà jugé qu’une annexe, d’une taille limitée et à proximité immédiate d’un bâtiment déjà existant, pouvait être admise dans une zone d’urbanisation diffuse (TA Poitiers, 10 septembre 2020, n° 1901611). La Cour administrative d’appel de Bordeaux apporte alors sa pierre à cet édifice jurisprudentiel en estimant qu’une piscine constitue une forme d’agrandissement d’une construction existante, qui n’est pas nécessairement constitutive d’une extension de l’urbanisation, dès lors qu’elle est de taille limitée. Cet arrêt peut parfaitement se comprendre dès lors qu’il est tenu compte du fait que le Conseil d’État estime « qu’une piscine découverte peut être regardée, eu égard à sa destination, comme une extension d'une construction d'habitation existante si elle est située à proximité immédiate de celle-ci et forme avec elle un même ensemble architectural » (CE 15 avril 2016 Commune de Lourmarin n° 389045, mentionné dans les tables du recueil Lebon). Ainsi, dès lors que le droit de l’urbanisme admet qu’une piscine, située à proximité immédiate d’une construction, constitue une extension, il n’existait aucun motif s’opposant à l’application à ce type de constructions, de la solution de la décision Commune de l’Île-de-Batz. La Cour administrative d’appel de Bordeaux a toutefois ajouté un critère supplémentaire, lié au fait que la piscine en question doit avoir une taille limitée. La jurisprudence nous dira alors ce qu’il faut entendre par taille limitée. Quoi qu’il en soit, il ressort de cette jurisprudence, qu’il apparaît possible d’édifier une petite piscine, dans les zones d’urbanisation diffuse des communes littorales, dès lors que celle-ci est située à proximité immédiate de la construction déjà existante. A contrario, une piscine trop éloignée ou d’une taille trop importante, sera vue, comme une extension de l’urbanisation et devra alors respecter le principe de continuité de la loi Littoral. Il est donc nécessaire de bien monter son dossier de déclaration préalable pour pouvoir bénéficier de cet assouplissement dans l’application de l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme.
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